REGINE THILL ARTISTE PEINTRE
EXPOSITION ROSE POUR OCTOBRE ROSE
Bonjour Régine, je vous ai rencontrée au château de Courcelles à Montigny lès Metz, le 8 octobre. C'était l'inauguration de votre exposition Rose qui a été installée dans le cadre du cancer du sein d'Octobre rose.
Est-ce que vous pouvez nous dire quelques mots sur la personne que vous êtes, Régine ?
Bonjour Sabine, je vais me présenter avec grand plaisir et d'abord merci de m'inviter sur votre podcast. Je m'appelle Régine, j'ai 48 ans, je vis et je travaille près de Reims depuis 20 ans. J'ai grandi en Moselle et près de chez vous, à Metz. Alors si je dois me présenter, me raconter un peu en quelques mots, je ne peux pas ne pas parler de ma passion pour l'art puisqu'elle a guidé toute ma vie. Tous mes grands choix de vie.
Ma passion pour l'art a toujours été présente. Et si bien que lorsque j'étais au collège, il a fallu s'orienter. Le choix est vite fait. Moi, je voulais faire un métier qui dans lequel je serais en contact permanent avec l'art. C'était ça et rien d'autre, j'ai fait une filière A 3 à l'époque avec l'art plastique et philosophie. Je suis partie ensuite à la fac d'arts plastiques à Strasbourg. J'ai fait une maîtrise. Je me suis dirigée vers l'enseignement, donc j'ai passé le CAPES.
Je l'ai eu en 99 et depuis, j'enseigne les arts plastiques en collège et c'est un métier dans lequel je m'épanouis parfaitement. En parallèle, j'ai également poursuivi une pratique artistique, celle dont vous parliez il y a deux minutes. Oui, sinon, j'ajouterais que j'ai une petite fille de 11 ans. J'ai une vie familiale, amoureuse, plutôt épanouie et aujourd'hui assez tranquille. Voilà pour le petit tour d'horizon.
Merci Régine. Dites-moi si vous deviez parler des grands moments qui ont marqué votre vie ? De quoi auriez-vous envie aujourd'hui de témoigner, de dire quelques mots ?
Si je résume les grandes étapes de ma vie, il y en a quatre ou cinq. Il y en a deux très heureuses. Et puis les autres, beaucoup moins. La première grande étape de ma vie a été la rencontre avec mon ami, avec qui je suis toujours. Notre vie n'a pas toujours été un long fleuve tranquille, mais en tous les cas, ça marque un tournant dans ma vie. C'est la première chose. La deuxième chose qui a eu pour conséquence de grands bouleversements dans ma vie, ça a été l'obtention du concours du CAPES pour enseigner les arts plastiques.
Le CAPES, en soi, c'est compliqué. Mais je l'avais préparé et je m'attendais à être prof. Ce n'est pas de ça que je veux parler. C'est que quand j'ai eu le CAPES, en quinze jours, j'ai appris que j'étais mutée à l'autre bout de la France. Donc, j'ai dû quitter mon appartement, mon ami, mon travail et ça a été un vrai déracinement. Et je me suis sentie un peu comme abandonnée.
Donc ça, ça a été une étape difficile de ma vie, peut-être même plus difficile que ce que j'avais imaginé. Je l'ai appris quelques années plus tard.
Quelques années après, il y a eu la naissance de ma fille. C’est une autre étape importante de ma vie, mais dans l'autre sens, autant je m'étais sentie abandonnée avant et là, je ne le suis plus. Quand j'ai eu ma fille, j'ai eu le sentiment de ne plus jamais être seule, d'avoir un lien avec quelqu'un qui ne s'éteindrait jamais.
Et en 2012, le grand bouleversement dans la vie. En 2012, deux ans après la naissance de ma fille. J'ai appris que j'avais un cancer du sein. Bon, là, évidemment, tout s'écroule. Et puis on reconstruit, on reconstruit après. Puis ça se passe quatre ans et vient après une nouvelle étape. Et cette fois, je dirais encore plus décisive que la première. Quatre ans après, j'ai eu une nouvelle attaque de la maladie, donc j'ai eu une récidive et vraiment pas des plus simples.
Encore une fois je me suis transformée, mais vraiment, fondamentalement, ma vie et la façon d'appréhender la vie, c'est toutes ces étapes-là qui sont importantes, qui font qui je suis aujourd'hui. Si je dois les résumer.
Je reviendrai dans quelques instants sur ces deux cancers qui ont marqué votre vie et qui, effectivement, sont souvent des éléments qui transforment profondément le cours d'une existence et puis aussi la personne que l'on est. Mais avant ça, j'ai envie de vous poser une petite question sympathique et coquine sur les origines de votre talent, sur l'artiste que vous êtes devenue. Est-ce que vous peignez déjà toute petite ? Est-ce que vous êtes tombée dedans ? Comment ça s'est passé, en fait ?
Cet amour de l'art et de la peinture ? Racontez-nous.
Je dirais plutôt qu'en fait, je suis née avec. Je regrette de ne pas avoir une anecdote à raconter sur le déclic « qui a fait que », c’est souvent une question qu'on pose aux artistes. Et il y a souvent des histoires formidables. J'avoue que pour le dessin, pour la peinture, je n’en ai pas. En revanche, je n'ai pas toujours eu une vraie pratique artistique, c'est à dire une peinture avec une réflexion derrière.
Et là, il y a eu un vrai déclic. J'ai toujours dessiné. Ça fait partie de moi. J'ai envie de dire je dessinais peut-être comme je jouais, comme je m'alimentais. C'est vraiment quelque chose. Il n'est même pas envisageable de m’en passer, c’est une vraie passion.
C'est quelque chose qui est arrivé, que j'ai développé en fait, ou quelque chose qui est arrivé d'un coup, comme souvent les passions. Là, c'est ça, ça a toujours été là.
Ça vous habite Ça vous motive. C'est ce qui vous permet en grande partie de vous lever le matin tous les jours. Et en effet, ça me permet de me lever le matin. Je crois que je me lève avec plaisir. Tant mieux pour moi quand je raconte mon histoire comme ça, les gens s'attendent à peut-être un discours pas forcément très joyeux et très optimiste, alors qu'en fait, je pense que je le suis.
On en reparlera certainement plus tard.
On va passer au sujet qui est un petit peu moins joyeux. Effectivement, celui du cancer des cancers dans votre vie, puisqu'il y en a eu deux. Qu'est-ce que vous avez envie de dire à ce sujet ? Comment vous l’avez vécu ? Vous les avez traversés ? Qu'est ce qui en est ressorti ? Quels ont été les transformations liées à ces deux épreuves ?
Je commence par raconter peut-être un peu comment ça s'est passé. En 2012, première attaque de la maladie, j'ai trouvé, moi, très facilement en posant la main sur un sein, un petit nodule. J’ai pris contact très rapidement avec le médecin et très rapidement j’ai eu ce diagnostic de cancer du sein. J'ai eu d'abord une tumorectomie. Le résultat était plutôt acceptable,
Je savais déjà que certainement, il y aurait une chimiothérapie après la radiothérapie. Le protocole classique de soins, ça, c'est un peu compliqué, lorsque les résultats de la tumeur sont arrivés, c'est à dire qu'en fait, il y avait un deuxième foyer. Et d'ailleurs, j'insiste dessus. Parce que ce deuxième petit foyer, je l'ai trouvé moi-même alors qu'il n'apparaissait nulle part. D'où l'intérêt de se palper, mais vraiment les seins. Parce que vraiment, ça peut sauver des vies.
Alors, il s'est avéré que ce petit tout petit, vraiment minuscule nodule, était également un foyer cancéreux in-situ, mais cancéreux quand même. Donc là, j'ai appris qu'on allait m'enlever un sein. J'ai dû subir une mastectomie, alors c'était très dur. Très dur d'entendre ça, forcément. Je pense que c’est la hantise de beaucoup de femmes de perdre un sein, de perdre les cheveux aussi. Pour moi, les cheveux, c'était pire.
Donc je me suis retrouvée face à tout ça. La perte des cheveux, ça a été dramatique pour moi. J'avais toujours eu les cheveux longs jusque dans le dos, et ce, pendant des années. Ça a été un vrai traumatisme. J'en ai pleuré des jours et les seins également. Sauf que le sein, alors j'ose à peine vous raconter. Ça peut sembler indécent. J'essaie de trouver une façon de rebondir. Et au niveau des seins, le rebondissement était facile à trouver.
A savoir que j'avais des seins, que je n'aimais pas, mais vraiment que je n'aimais pas. J'avais une poitrine importante et j’ai toujours l'impression que ça ne correspondait pas à mon identité et donc quand on m'a annoncé ça, que je vais perdre un sein, j'ai fait la bascule dans ma tête immédiatement pour rebondir. Je me suis dit bon bah voilà, c'est tout. Ça va être l'occasion d'en avoir de nouveaux comme tu veux.
Ça peut sembler choquant à certains. Ça a été une façon de rebondir et très honnêtement, ça m'a porté tout le temps des traitements. Ça m'a porté après tout le temps de la reconstruction parce que c'est très long également. J'ai fait reconstruire le sein et symétrisé l’autre.
C'était très long, mais cette façon de voir les choses, ça m'a vraiment aidée à traverser toutes ces épreuves et à rebondir. De manière générale, il y a eu ça. Il y a eu les cheveux, il y a eu plein d'autres choses, il y a plein de transformations qui s'effectuent dans le corps. Et puis, la première transformation, c'est qu'on se sent plus, je ne vais pas dire que je me sentais invincible, ça m'est arrivé, j'avais 37 ans, je savais déjà que je pouvais mourir.
Mais là, ça prend une vraie réalité. C'est que peut être vraiment, ça va arriver. Et on vous le dit quand même ce cancer on peut en guérir et on peut en mourir aussi. Donc, ça a été un choc aussi. Il y a plein de choses qui se bousculent dans la tête quand ce diagnostic tombe. Pour ma part, il y avait deux choix ou subir ou réagir, essayer d’en faire quelque chose. Et j'avais ma petite fille qui avait deux ans.
Il était absolument hors de question qu’elle me voit abattue. Donc voilà, j'ai décidé d'être actrice de ma de guérison et j'ai entrepris plein de choses pour essayer de guérir mon corps, aller vers le mieux, à tenir le choc, à devenir plus fort et bon, semble-t-il, ça marché en tous les cas un temps. Et puis, je crois que j'avais négligé aussi certains aspects. Toujours est-il que quatre ans plus tard, en 2016,
alors d'abord, je n'ai pas parlé de cette étape, mais j'ai perdu mon père et ça a été très douloureux. Et deux semaines après, j'apprends que j'ai une récidive. Pas dans le sein cette fois, j’apprends que j’ai une métastase dans le foi. A priori, comme ça, le pronostic, ce n'est pas terrible. Dans mon malheur, j'ai eu de la chance. J'en ai eu qu'une. Elle est restée bien sagement là où elle était, mais elle était ultra mal placée, donc pas opérable.
Dans un premier temps, et là encore une fois, les traitements sont enclenchés, traitement lourd, re perte de cheveux, re rayons, etc. Et là, il s'est passé quand même autre chose, c'est que lorsque je suis tombée malade la deuxième fois, j'avais rendez-vous avec un ostéopathe. Je lui raconte mon histoire, et voilà, j'ai des métastases dans le foi et il me dit « écoutez ce que vous allez faire en sortant de chez moi, vous allez à la FNAC, Nature et Découvertes, ou je ne sais pas quoi et vous allez acheter le livre de Carl André sur la méditation. » « Et c'est la première chose que vous allez faire. » Ce que j'ai fait d'ailleurs. Mais en discutant avec lui après, il a pointé quelque chose du doigt. C'est vrai que j'avais complètement négligé l’aspect spirituel, mental, moral et je sais que c'est ce qui m'a permis d'affronter cette deuxième attaque. Certes, j'avais fait beaucoup d'efforts au niveau de mon hygiène de vie l'alimentation, le sport, etc. pour conserver un corps en bonne santé, comme je dis tout à l'heure.
Mais par contre, j'ai complètement négligé l'aspect mental, moral et donc il a pointé ça du nez. Et c'est vrai qu'à partir de ce moment-là, j'ai en plus porté mon attention là-dessus et je me suis plongée dans toutes les lectures que je pouvais faire sur cette question-là, ça m'a permis de réagir différemment. Et là, ça m'a profondément transformée parce que moi, j'étais quelqu'un de, je suis toujours un stressé et anxieuse etc.
J'arrive mieux à gérer et ça m'a permis de gérer la suite. Heureusement, parce que la suite n'a pas été facile, en fait. Donc, j'ai eu cette métastase qui a été diminuée par les traitements classiques, mais pas totalement éradiquée. Et j'ai eu de la chance parce que mon oncologue, face au traitement qui n'avançait finalement pas, qui stagnait, mais qui n'avançait pas. Elle m'a fait rencontrer un chirurgien qui a accepté de m’opérer. C'était une opération super compliquée, mais ça a marché, je suis là aujourd'hui.
Et non seulement je suis là, mais je suis en bonne santé, en bonne forme et je suis bien dans mon corps. J'aime mon corps aujourd'hui. Et voilà, c'est ça que j'ai envie de dire. Je ne suis pas effondrée. Je suis marquée par la maladie, c'est clair, mais j'en suis sortie comme beaucoup de gens. Je pense enfin comme pas mal de personnes, j'en suis sortie clairement plus forte. Je ne peux pas dire qu'heureusement, tout ça m'est arrivé, mais enfin, aujourd'hui, je ne serai pas celle que je suis si ça ne m'était pas arrivé.
Merci pour ce témoignage très émouvant et très touchant. Et j'ai envie de dire que vous avez fait preuve de beaucoup de force, ce que j'appellerais de la résilience. C'est un beau parcours de résilience. Merci. J'ai envie de vous poser maintenant, la question des valeurs, ce qui fait qu'on se lève le matin, suite à ces épreuves, ce sont aussi des éléments qui se transforment dans la vie.
Alors vous diriez qu'aujourd'hui, vos valeurs phares essentielles sont lesquelles ?
Mes valeurs fortes. Elles sont toujours les mêmes, je crois. Mais c'est peut-être la hiérarchie des valeurs qui a changé. Je crois qu'aujourd'hui, la valeur la plus forte, c'est l'amour, mais vraiment au sens large du terme, pas seulement le sentiment amoureux ou l'amour familial, mais l'amour de la vie, l'amour des ... Ça m'aurait semblé très naïf il y a quelques années. Aujourd'hui, ce n'est plus l'amour de moi, de qui je suis, de mon corps, de ce que je fais, de mes rêves. L'amour des choses qui m'entourent au sens large du terme. Et je m'aperçois que la carence d'amour, si on peut dire ça, c'est vraiment quelque chose qui m'affecte aujourd'hui. C'est une des seules choses qui m’affecte vraiment profondément aujourd'hui. Quand je suis en conflit avec quelqu'un que j'aime ou quand un rêve dans lequel je me suis beaucoup investie ne se présente pas de la bonne façon ou s'arrête où tout e réalise d'ailleurs.
Là, c'est des choses sacrées, des vides, et c'est ça qui m'inquiète le plus aujourd'hui. Donc l'amour, je dirais. Ensuite, deuxième valeur importante pour moi, c'est le travail. Très franchement, le travail, le goût de l'effort. Bien sûr, je trouve ça toujours sympathique quand les choses arrivent facilement et tombent du ciel. Mais globalement, ce qui me rend vraiment heureuse, c'est d'obtenir quelque chose après avoir fourni des efforts et au point que parfois même je me l’inflige, je pense faire des efforts pour certaines choses, simplement pour goûter au plaisir d’accomplir, plus que d’obtenir la chose ou de réussir quelque chose.
Le travail et plus globalement, mon travail est important dans ma vie. Je n’ai jamais vraiment fait de séparation entre les deux, mais du fait qu’aussi ma pratique artistique en faire partie. Donc le travail. Et pour finir, je ne sais pas si on peut parler d'une valeur. Je tiens, je mettrai là-dedans, je dirais la responsabilité. Je suis persuadée que j'ai vraiment envie d'y croire, que j'ai moi-même un rôle à jouer dans tout ce qui m'arrive.
J'ai envie d'être responsable de ce qui m'arrive, mais ça, j'y crois beaucoup. Ça aussi, c'est une valeur qui me guide dans mes réactions, dans la façon dont j'appréhende les différents événements qui m'arrivent.
Régine, qu'est ce qui est non négociable pour vous ?
Aujourd'hui, il y a une chose qui n’est absolument pas négociable, c'est tout ce qui concerne ma santé. J'en ai un peu parlé tout à l'heure, mais en plus de l’art j’ai une grande passion pour tout ce qui concerne la santé et le bienêtre du corps de la tête. Et je me documente sans arrêt là-dessus et j'essaye vraiment de tout faire pour comprendre comment marche la machine corps et pour essayer de la faire fonctionner le mieux possible. Forcément, quand elle a dysfonctionné, comme cela a été mon cas à un moment pour moi, ça me semblait évident de tout faire pour la remettre en marche, pour la rendre forte et pour que mon corps me mène le plus loin possible et en bonne forme, juste en bonne forme.
Donc ça, ce n’est pas négociable. Le sport, l'alimentation, soigner le bien être moral ou par la méditation, le yoga, etc. C'est tous les jours. En fait, c'est parfois, je m’entends dire. Bon là, je vais me reprendre en main, je ne lâche jamais. C'est non négociable.
C'est une bonne logique de vie. D'autant plus quand on a traversé la maladie. Pour revenir à votre art, est ce que vous pouvez nous parler de vos œuvres ? Par exemple, j'ai envie de vous demander est ce que vous avez toujours peint des femmes nues en Rose ?
Alors des femmes nues en rose, non, mais des corps, oui. J'ai commencé alors mon travail. En fait, c'est une immense série. J'ai toujours peint des corps.
Ça a commencé lorsque j'étais en maîtrise. Je vous disais tout à l'heure que je. À ce moment-là, j'ai eu un déclic et c'est là que tout a commencé. Et j'ai pendant longtemps peint des décors non sexués, on va dire, est plutôt monstrueux. Pas du tout aussi figuratifs qu'aujourd'hui. Une dizaine d'années, peut être que je peins des femmes. Finalement, ma démarche s'est affinée. Il s'est précisé Et donc, aujourd'hui, je peins des corps de femmes nues essentiellement et exclusivement des femmes.
Le rose, c'est devenu ma couleur de prédilection pour un tas de raisons. Mais non, ça n'a pas toujours été le cas.
Comment ça se fait que le rose, tout à coup, s'est imposé dans votre art ? En tout cas, c'est le cas dans les œuvres que j'ai pu découvrir avec grand plaisir au château de Courcelles, à Montigny lès Metz.
Ce qui est devenu de plus en plus clair au fil des années, c'est que ce qui m'intéressait dans la peinture des corps, notamment féminins, c'était une réflexion sur la féminité. Qu'est-ce que la féminité ? Dans sa complexité et dans son ambiguïté, dans ses contradictions ? Et c'est ça qui m'anime, en fait. Dans Ma peinture et le rose, j'ai aussi une passion pour le rouge quand même. Mais le rose, plus particulièrement dans toutes ses nuances, dans toutes ses valeurs, me permettent, je trouve, d'évoquer de multiples aspects de la féminité, aussi bien positifs que négatifs, et bien plus que tout autre couleur.
Le rose, c'est bien sûr la couleur de la féminité. C'est la couleur de la chair, une couleur qui est forte à tout point de vue. Ma couleur fétiche. Vraiment, avec le rouge.
D'après ce que j'ai lu, vous êtes passée ces derniers temps à l'autoportrait. Qu'est ce qui a amené cette évolution ?
Il y a plusieurs raisons. Mais la première raison, ça peut être décevant, est pratique, ça va peut-être, être décevant. Je suis le seul modèle que j'avais toujours sous la main. Pendant longtemps, j'ai pillé Instagram et la presse féminine et masculine même. J'ai emprunté aussi à l'histoire de l'art des modèles. Au bout d'un moment, j'ai eu le sentiment que j'avais un peu fait le tour. Et comme j'avais envie d'approfondir la question des postures, etc. que je n'avais pas d'autres modèles sous la main, c'est vrai que je me suis dirigée vers moi même. Ça me permettait de calculer, de travailler plus la question des postures et d'affiner les détails, etc. je peux prendre, tout ce que je veux en photo. Donc, ça avait un côté pratique. Après, j'imagine bien aussi que quand on réfléchit sur la question de la féminité et qui nous arrive, une telle épreuve qui touche directement la féminité, qui la remet en question et bien forcément mon propre corps, est devenu une préoccupation centrale et vraiment envahissante, et je pense que c'est aussi une des raisons qui font que je me suis tournée vers l'autoportrait. C'est une manière aussi d’analyser la féminité en général à travers la mienne ou l'image de la femme en général, à travers la mienne en particulier comme avant j'analysais finalement mon image à travers celles d'autres femmes. Donc, c'est un aller-retour. Je ne suis pas sûr que j'y reste encore indéfiniment ou définitivement à l'autoportrait, mais en tous les cas, ça me permet des poses que je ne peux pas trouver ailleurs, en fait.
Est ce que vous diriez aujourd'hui que vous avez réussi ce qui vous tenait à cœur ?
Dans la mesure où, comme je le disais au début de cet entretien, pour moi, il était clair que dans ma vie professionnelle, je voulais être dans l’art. Je ne savais pas exactement quoi mais être dans l’art. Et comme aujourd'hui, j’y suis, sur ce plan-là, oui, je me dis que je réussis. Je ne suis peut-être pas forcément allée jusqu’au bout de ce que j'aurais voulu, mais je suis épanouie et contente de là où je suis arrivée.
Qu'est-ce que vous avez encore envie d'accomplir aujourd'hui Régine ?
Depuis quelques années, j'essaye d'accorder plus d'importance à ma pratique artistique, de la diffuser plus afin d'y mettre plus d'énergie pour la promouvoir, tout simplement. Et j'aimerais bien pousser ça un peu, c'est à dire pendant longtemps quand même, c'est mon métier de prof qui a pris le dessus en termes de temps par rapport à ma pratique artistique, et je mettais de l'énergie uniquement dans la pratique, pas dans la diffusion. Là, j'ai plein de choses à accomplir encore.
Je suis bien consciente, c’est quelque chose que j'ai complètement négligé et du coup, que je n'ai pas osé faire. Il y a plusieurs possibilités, mais ça, c'est quelque chose qui me tient à cœur de continuer à exposer, puis de continuer à peindre, tout simplement.
Oui, ce sera pour le plus grand plaisir des personnes comme moi qui viennent voir vos expositions. Maintenant, si vous deviez nous donner trois mots qui vous définissent.
Je vais dire en premier lieu :
J'ai posé la question à ma fille hier. C'est l'acharnement, alors c'est un peu cliché. Mais ma fille disait hier ce qui caractérise c’est que tu ne lâches jamais rien. Et ce n'est pas forcément positif. Ça peut aussi être négatif. La plupart du temps, quand même, on comprend bien que la persévérance, ça permet d'accomplir des choses mais ça peut être aussi de l'entêtement. Et ça, c'est vraiment, je pense, quelque chose qui me caractérise.
L'optimisme aussi. Et encore une fois, c'est un terme un peu cliché. Je suis optimiste, presque à en devenir, naïve parfois, c'est à dire à croire que tout est beau, tout est possible là où ça ne l’est pas toujours La vie en rose et La vie en rose, mais très bien, donc c'est très cohérent. Je crois que ces deux mots là me caractérisent.
J’avais un troisième. Si le troisième peut être, ce serait le rêve.
Je suis ultra rêveuse. Je reviens toujours à ma fille parce qu’elle me renvoie quand même beaucoup de choses sur moi. Mais elle me dit souvent « Maman là tu es encore en train de parler avec quelqu'un dans ta tête ». Et en effet, je suis très souvent dans mon monde c’est à la fois un refuge, à la fois un endroit où visualiser ce dont j'ai envie, en fait. Donc, j'y retourne souvent et c'est vrai que je suis souvent dans mes pensées.
On va dire ces trois mots là.
Merci Régine. Pour finir cet entretien, est ce que vous avez envie de rajouter quelque chose, soit vous concernant ou à l'attention des personnes qui vont écouter cet épisode de ce podcast ?
Alors plutôt à l'attention des personnes qui vont l’écouter.
C'est quelque chose qu'on dit, qu'on entend souvent, qui peut agacer, mais, mais réellement et qui peut être difficile à entendre dans certaines phases de la maladie parce que là le message concerne la maladie. Mais réellement, on peut je crois, qu'on peut surmonter ça si, on accepte de rebondir sur cette épreuve, de s'en servir comme un levier. Et on peut aussi, je ne sais pas si tout le monde a la capacité, forcément, de le faire tout de suite, mais je pense que réellement, ça peut devenir quelque chose de beau, on peut transformer ça en quelque chose de positif, alors ça ne devient pas tout rose du jour au lendemain. évidemment, c'est un long travail, mais c'est possible.
L'issue, on sait qu'elle peut être très négative, évidemment, mais elle peut être positive. On peut en tirer quelque chose de bien, de beau ou d’enrichissant et de positif.
Oui, rebondir, transformer l'épreuve et justement, en retirer une leçon pour vivre encore mieux et avec plus d'intensité après.
En tous les cas, pour moi, c'était la seule, la seule manière de réagir et il n’y en n’avait pas d'autre possible. Donc c'est possible.
D'accord, merci beaucoup. C'était vraiment un plaisir de vous écouter. Je vous dis à bientôt et je vais mettre en lien dans le descriptif de cet épisode toutes les coordonnées qui vous concernent pour que les personnes qui écoutent puissent voir vos œuvres, que ce soit sur Instagram, sur Facebook, vous avez sans doute un site Web ?
J'en ai eu un. Puis j'ai arrêté de l'alimenter parce que les réseaux sociaux ont vraiment pris le dessus. C'est beaucoup plus pratique et beaucoup plus visible, en fait. Donc, je suis surtout active sur mon compte Instagram.
Très bien, donc je mettrai le lien. Et une prochaine exposition en prévision ?
Rien de rien de très établi, mais peut être à Reims dans une librairie, en projet.
En tout cas, nous nous tiendrons informés pour voir ça avec grand plaisir. Merci encore.
Merci à vous de m'avoir reçue dans votre podcast et à bientôt.
A bientôt.